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1793

C’est l’histoire d’une jeune de la noblesse pendant la Révolution française

1793

8 mai 1793, une date comme les autres pour certains, mais pour d’autres, c’est un jour qu’ils n’auraient jamais voulu vivre.

Margot était terrorisée, se demandant pourquoi elle était revenue dans la demeure familiale. Lorsque la mère supérieure avait décidé de renvoyer toutes les filles nées de bonne famille, elle aurait dû essayer de quitter le pays. Mais comment aurait-elle pu à 18 ans et sans le moindre écu, réussir à franchir des centaines de lieues.

Maintenant, elle était dans cette geôle, avec dix-sept inconnus, attendant qu’ils viennent la chercher. Elle était arrivée le matin, traînée sans aucune explication par deux révolutionnaires. Son seul tort était d’être la fille du comte de Larvois, une « sang bleu », comme ils aimaient le rappeler.

Deux fois déjà, depuis qu’elle était là, ils étaient venus en chercher, les prenant un peu au hasard et à chaque fois dans les cris et les pleurs. Margot s’était positionnée loin de la porte, se faisant toute petite dans un coin. Mais elle savait que ce n’était que repousser l’inéluctable.

Depuis qu’ils avaient guillotinaient le roi, au mois de janvier, tout s’était dégradé. Il n’y avait presque plus de jugement et les bourreaux œuvraient sans relâche.

En quittant le couvent où elle faisait ses études, lorsqu’elle était revenue dans la demeure familiale, elle n’y avait trouvé qu’Églantine, sa nounou qui l’avait vu grandir et Gaétan le jardinier. En apprenant qu’ils étaient venus chercher ses parents et son frère une semaine plus tôt, sa vie s’était complètement effondrée.

Elle serait sûrement encore sous la protection de sa nounou si le jardinier ne l’avait pas dénoncé. Cela faisait pourtant douze ans qu’il travaillait pour sa famille, mais cela ne l’avait pas empêché de la trahir. En fait, on ne pouvait plus compter sur personne et elle avait même entendu dire qu’ils se décapitaient entre eux. Dans la cellule, un homme avait raconté que les pavés de la place de la révolution étaient devenus rouges de sang et que rien ne pouvait enlever cette couleur.

Elle n’était pas la seule à avoir peur dans ce lieu où l’odeur était à la limite du supportable. Un seau pour les urines et un seau pour boire étaient posés près de la porte à barreaux. Pourtant, c’était la transpiration de tous ces gens entassés qui était le plus désagréable.

Il faisait sombre malgré la petite lucarne donnant sur l’extérieur et aucune chandelle n’était encore allumée. Cette pénombre ne rassurait pas les prisonniers, mais était une lueur d’espoir pour la jeune femme. Tant qu’ils ne la verraient pas, elle ne serait pas emmenée sur la charrette, mais pour combien de temps encore ?

Cette fois, ils avaient dû accélérer la cadence, car ils revinrent après seulement deux heures d’absence. Étonnamment, un homme se mit à haranguer les autres, les montant contre leurs geôliers. Personne au monde n’avait le droit de les emmener à la guillotine juste parce qu’ils étaient nés de bonne famille.

Les autres condamnés l’approuvèrent et la tension monta d’un cran. Lorsque les quatre hommes ouvrirent la cellule pour récupérer des prisonniers, ces derniers, ne voulant pas mourir, tentèrent le tout pour le tout. Dans un commun accord, ils bousculèrent leurs geôliers tel un troupeau et se dirigèrent vers la sortie en hurlant. Margot savait que ce n’était pas la bonne solution, car les révolutionnaires devaient sûrement être nombreux et bien armés à proximité de la prison.

Elle fut la dernière à sortir de la cellule et, sans trop savoir pourquoi, elle décida de ne pas les suivre. Prenant à droite, dans un couloir qui avait l’air d’être une impasse, elle se dirigea tout au fond, tombant sur une porte fermée. Elle fut soulagée en se rendant compte qu’elle n’était pas verrouillée et elle découvrit un réduit rempli de bric-à-brac.

Les hurlements et les détonations étaient tellement présents que la jeune femme ne réfléchit pas et rentra dans le local. Elle referma la porte derrière elle et se mit en boule là où elle le put. La bagarre qui devait se dérouler au niveau de l’entrée devait être très violente même si les sons étaient atténués dans son petit réduit.

Margot était terrorisée et s’était mise à prier, espérant ne pas être découverte. Le combat dura encore de longues minutes avant que les cris finissent par s’espacer et que les déflagrations se taisent.

Margot tremblait, paniquée à l’idée d’être découverte, se faisant la plus petite possible.

Durant pas mal de temps, elle entendit des voix et des frottements sourds avant que cela ne finisse par cesser.

Lorsque le silence revint enfin, la jeune femme ne fut pas pour autant rassurée. Elle savait qu’elle devait essayer de sortir, mais il ne fallait pas qu’elle se précipite. S’ils l’attrapaient, elle serait sûrement tuée sur place.

Elle se mit à attendre dans sa posture peu confortable, mais la fatigue aidant, elle finit par sombrer dans le sommeil.

Lorsqu’elle ouvrit les yeux, elle eut très peur que la nuit soit trop avancée, mais elle ne pouvait plus rester dans son réduit.

À tâtons, elle réussit à ouvrir la porte sans faire de bruit et, en touchant le mur, elle avança lentement pour essayer d’atteindre la sortie. En passant au niveau des barreaux, la lune qui laissait passer un peu de luminosité par la lucarne dévoila une horreur sans nom. Ils avaient entassé les corps dans la cellule et elle se rendit compte qu’elle devait être la seule rescapée.

Se reprenant, elle continua sa marche à l’aveugle, espérant ne rien renverser. Plus elle avançait et plus le bruit des ronflements se faisait entendre. Vu qu’il n’y avait plus de prisonniers, ils avaient dû alléger la garde qui s’était endormie pour le plus grand bonheur de la jeune femme.

Elle ne sut trop comment elle avait fait, mais elle se retrouva dehors sans encombre après avoir franchi une grosse porte non verrouillée.

La nuit n’était pas totale grâce à la pleine lune qui diffusait une légère lueur. Les réverbères à huiles étaient tous éteints ce qui permettait à la jeune femme d’être moins visible. Sans réfléchir, elle prit une direction au hasard et essaya de s’éloigner rapidement de ce lieu maudit.

Il avait dû pleuvoir récemment, car elle se rendit compte que les pavés des ruelles étaient un peu glissants aussi préféra-t-elle ralentir pour ne pas tomber et se faire mal.

En temps normal, elle appréciait beaucoup les nuits printanières, mais celle-là, humide et fraîche, était la pire de toutes celles qu’elle avait connues.

Elle mit trois heures, dans l’obscurité de la ville, pour sortir de ce dédale pavé. Lorsqu’elle put enfin marcher sur les routes en terre, elle fut soulagée même si le danger était toujours présent.

Durant sa marche, elle ne croisa personne, car depuis que la révolution avait commencé, les gens restaient cloîtrés chez eux la nuit pour ne pas être arrêtés en tant que conspirateurs. Cela arrangeait les affaires de la jeune fille qui commençait à être à bout de forces.

Elle ignorait quelle heure il était même si elle se doutait que la nuit allait bientôt se terminer.

C’est alors qu’elle vit l’auberge, un peu en retrait d’une grande place en herbe permettant le stationnement des divers véhicules.

Attenantes à la bâtisse se trouvaient les écuries et, trop éreintée pour continuer sa fuite, elle décida d’aller si reposer. En entrant dans le bâtiment, elle fut surprise par l’odeur assez forte des lieux, mais elle était trop fatiguée pour faire la fine bouche.

Comme elle n’y voyait rien, elle s’allongea près de la porte, sur un peu de paille éparse, s’endormant rapidement. Elle venait de vivre des heures éprouvantes et son organisme avait besoin de récupérer.

Elle ne sut pas trop si c’était son sixième sens qui la sortit du sommeil, mais elle ouvrit les yeux avec beaucoup d’appréhension.

Le jour était levé et elle pouvait maintenant voir clairement l’intérieur du bâtiment dans lequel elle s’était réfugiée. Son sang se glaça lorsqu’elle l’aperçut, debout à deux mètres d’elle, la regardant fixement.

— Je peux savoir ce que tu fais dans mon écurie ?

L’homme n’était pas très grand, mais il se portait bien, ce qui était plutôt surprenant vu la famine qui sévissait encore un peu dans les campagnes.

Émergeant d’un coup, la jeune femme bégaya, ne sachant trop quoi répondre.

— Heu, excusez-moi, je… je ne savais pas où dormir.

Il la regarda un long moment avant de finir par dire.

— Même si elle est sale et un peu déchiré, tu ne portes pas une robe de paysanne. Je ne te donne pas la journée avant de finir la tête dans la guillotine si tu te promènes dans cette tenue.

Margot tressaillit en entendant ces mots. Pas une seconde, elle n’avait pensé que sa façon de s’habiller pouvait la trahir. D’un coup, ce fut comme si une massue s’abattait sur elle.

— Tu as faim ? demanda l’homme qui finalement n’était peut-être pas si méchant que ça.

— Heuuu, oui. Je n’ai rien mangé depuis avant-hier et je n’ai pu boire que dans un seau ou l’eau était douteuse.

— Suis-moi petite. Au fait, je m’appelle Paulin Morteplume.

— Moi c’est Margot de Larvois

— Si tu veux rester en vie, évite de mettre la particule à ton nom.

La jeune femme comprit que l’homme était peut-être son unique chance de rester en vie. Lorsqu’il quitta l’écurie pour se rendre à l’auberge, elle le suivit sans un mot de peur qu’il ne change d’avis.

En entrant dans la grande salle, elle fut surprise par l’ameublement. Une dizaine de petites tables, pas toutes en bon état, étaient disposées de façon anarchique. Sur chacune d’elles trônaient des chandeliers dont les cierges étaient aux trois quarts consumés. Les chaises qui allaient avec étaient tellement délabrées qu’elles ne donnaient pas trop envie de s’asseoir dessus.

Un bar tout en longueur était positionné sur le côté et les tâches d’alcool qui le recouvraient laissaient penser que les propriétaires n’étaient pas très soigneux. Un tonnelet de vin était disposé sur une extrémité du meuble alors que sur des étagères, juste derrière le comptoir, se trouvait une multitude de bouteilles à moitié vides.

Sur le côté de la porte d’entrée, un escalier montait à l’étage alors qu’au fond, une ouverture donnait sur une cuisine.

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